En préambule à mon intervention de vendredi 14 octobre 2016 à 16h au Salon d’Automne sur « Comment évolue le marché de l’art » (avec Aude de Kerros), quelques réflexions sur un nouveau secteur très porteur : les ventes en ligne qui affichent en 2015 un volume de 2,19 milliard d’euros selon l’assureur Hiscox… Soit une hausse de 108 % par rapport à 2013 et ceci malgré un marché de l’art qui marque le pas à l’échelle de la planète (1). Autant dire que ces ventes décollent : certains prévoient que plus de 80% du marché de l’art passera sur le net dans les 5 ans qui viennent. L’achat d’objets d’art en ligne serait plus facile, plus rapide, il suffit de quelques clics, mais aussi plus démocratique que les traditionnelles ventes aux enchères et leurs salles prestigieuses : 67% des acheteurs en ligne ont acquis des œuvres de moins de 5000 euros et surtout les frais sont considérablement réduits.
La fin des salles de ventes ? Pas sûr. D’abord les grandes salles ont décidé de s’y mettre et Christie’s a pris la tête des plateformes en lignes ; Sotheby’s, bon 4ème,, entend rattraper son retard en s’associant avec ebay. Mais la rentabilité n’est pas assurée. Artprice avec pourtant 3,6 millions d’abonnés n’aurait retiré que 500 000 euros en 2015 de ce commerce. Beaucoup de petites Start up ont fermé boutique et même Amazone ne semble pas avoir si bien réussi. En cause, les coûts technologiques : au minimum 5 à 600 000 euros de mise initiale avec un amortissement qui demande au moins 5 ans… car il faut trouver le bon algorithme et le perfectionner sans cesse. Or le secteur est déjà si saturé que des fusions de plateformes sont enclenchées.
Enfin, les enchères online peinent à convaincre les grands collectionneurs de leur confier des œuvres d’exception. Internet pêche par manque d’expertise, les ventes en ligne s’apparentent à du courtage et les sociétés n’engagent pas leur responsabilité juridique quant à l’état, voire l’authenticité de l’œuvre : les maisons de ventes traditionnelles restent beaucoup plus crédibles sur ce point. Certaines Start up ont bien embauché, par dizaines, des experts…qui travaillent sur photos ! Or on peut, à la rigueur, acheter par le net un artiste qu’on connait très bien par ailleurs, mais s’il s’agit d’un inconnu total on ne pourra acheter ainsi que l’image d’une oeuvre ce qui est souvent bien loin de l’oeuvre.
L’étape suivante promet d’être jouissive. Le collectionneur utilisera sans doute un algorithme pour trouver l’œuvre la plus ceci ou cela. Au final des machines achèteront à d’autres machines des œuvres réalisées… je n’ose poursuivre. Ainsi finira le marché de l’art. A moins que quelques résistants reviennent à la case départ, offrant à l’amateur leurs œuvres dans leur atelier…
Christine Sourgins
(1)Voir Roxana Azimi, « Les enchères en ligne ont la cote », Le Monde 26 mai 2016, p.2.