Avec une moyenne de 6 638 visiteurs par jour, alors que la direction du centre Pompidou tablait sur 4 500 personnes, Koons faisait la course en tête. Il était possible qu’il batte le record de l’exposition la plus visitée, dépassant Salvador Dali (840 000 visiteurs). Mais les attentats de janvier ont donné un coup de frein à la fréquentation des musées… Et d’autres orages menacent l’exposition.
Une œuvre en porcelaine de Jeff Koons, Fait d’hiver, datée de 1988 fait l’objet d’accusations de contrefaçon. Le publicitaire Franck Davidovici, auteur, dans les années 80, des campagnes de la marque française de prêt-à-porter Naf-Naf ( dont le porcelet était l’emblème), a accusé Koons de contrefaire son travail en mettant en scène un cochon, tonnelet autour du cou, venant au secours d’une femme allongée dans la neige. Koons, a transformé la doudoune de la publicité en résille laissant apparaître la poitrine féminine et ajouté deux manchots à la scène. Il existe quatre exemplaires de Fait d’hiver et celui exposé au Centre Pompidou avait été vendu environ trois millions d’euros en 2007, chez Christie’s à New York. On comprend que ce soit le prêteur lui-même qui, pour couper court au scandale, a demandé à ce que l’œuvre litigieuse soit retirée de l’exposition, redoutant que le bruit du scandale ne nuise, cette fois, à la valeur financière ; la direction de Beaubourg a cédé …mais elle a reçu quand même la visite d’un huissier, Franck Davidovici ayant engagé une action judiciaire devant le tribunal de grande instance de Paris. Il demande la confiscation de l’oeuvre – dont il souhaite faire donation à l’Etat français ( ce qui laisse dubitatif ?) – et des recettes réalisées par Koons avec cette pièce, plus 271.000 euros de dommages et intérêts.
Rebelote avec Naked (Nus), œuvre appartenant comme la précédente à la série Banality : une sculpture en porcelaine représentant un garçon et une fille nus âgés de 8/10 ans, visiblement très inspirée d’une photographie de Jean-François Bauret, un spécialiste du «portrait nu». Datant de 1988, Naked figure dans le catalogue de la rétrospective mais pas dans l’expo, pourtant ni Jeff Koons, ni le Centre Pompidou, ne confirment avoir reçu les courriers de Mme Bauret. Car «il a été constaté que, vraisemblablement pendant le transport, l’œuvre avait été légèrement endommagée et il a été décidé de ne pas la présenter». Providentiel accident qui permet de couper court à une accusation de contrefaçon…
Alain Seban, président du Centre Pompidou, a rappelé que «des questions similaires se sont déjà posées aux États-Unis pour d’autres œuvres de la série Banality ». «Une large part de la création moderne et contemporaine repose sur le concept de citation, voire d’appropriation (…) Il est essentiel que les musées puissent continuer à rendre compte de ces démarches artistiques ». Keff Koons a déjà été poursuivi à trois reprises pour plagiat et a été condamné par deux fois, même aux Etats unis, pourtant beaucoup moins favorables au droit d’auteur que la législation française.
L’avocat de Franck Davidovici souligne que « les citations (…) ne sont autorisées que si elles sont courtes et si l’oeuvre évoquée ou partiellement reprise est clairement identifiée ». Or ici, Koons s’inspire très largement et dissimule ses sources. L’avocat estime donc qu’il « ne paraît pas imaginable (…) qu’une institution telle que le Centre Pompidou puisse, par la voix de son président, cautionner de tels actes ».
Le moins qu’on puisse dire, en dehors de toute considération juridique, est que Jeff Koons ne brille pas par une imagination débordante. Drôles de milliardaires qui sacralisent ainsi la paresse d’inspiration… Il est vrai que la finance avide de spéculation s’enfle d’elle-même comme une baudruche … Bref, les collectionneurs de Koons, qui collectionnent ce qui leur ressemble, ont ce qu’ils méritent…
Christine Sourgins
Historienne de l’art