Le 5 septembre, le second acte de vandalisme subi par le « Dirty corner » de Kapoor à Versailles, m’avait inspiré un article « Le Jackpot du vandalisme » relayé sur Figarovox le 11 septembre et que vous pouvez lire en cliquant ici. Le 16, le Monde publiait un texte du sociologue Arnaud Esquerre allant dans le même sens : il était incohérent (voire criminel) de laisser des tags antisémites sur une œuvre qui en devenait complice et propagandiste. Samedi 19, devant ces protestations, la justice étant saisie par Avocats sans frontières et un conseiller municipal, le trouble à l’ordre public constaté… Kapoor tourne casaque et les inscriptions sont voilées de noir.
Ce débat a fait ressortir nombre de naïvetés. Un des arguments rebattus ( c’est celui d’une journaliste du Figaro papier le 18 septembre p.17 ) est que Koons ou Kapoor etc, sont déjà célèbres, « ils n’ont pas besoin de ce coup », pas besoin de tirer parti du vandalisme qu’ils provoquent. Touchante candeur : le monde de l’AC est hyper- concurrentiel, par conséquent une renommée doit sans cesse s’entretenir grâce des coups médiatiques, sinon un clou chasse rapidement l’autre. Idem pour l’internaute ingénu qui prétend que Kapoor ne peut avoir la vilaine idée d’utiliser Versailles ou la Biennale de Lyon pour monter sa cote puisqu’il n’y a pas de vente aux enchères prévue. Les enchères ne font qu’entériner un travail de gonflement de la cote qui a lieu bien en amont des ventes, celles-ci ne font que couronner un patient travail (car s’en est un) de mise en valeur de l’artiste d’AC, par tous les moyens…
Et quelle crédulité de prétendre, dans les colonnes du Monde, que Kapoor a peut-être voulu garder les tags parce qu’ « on ne les lui a pas expliqués » : les fonctionnaires feraient fort mal leur travail alors ! Ou encore, parce que son œuvre « aurait été comme immunisée mais une nouvelle inscription déposée le 8 septembre permet d’écarter cette hypothèse ». Voilà un sociologue qui ne doit pas fréquenter les HLM où chacun sait que les graffitis attirent les graffitis, les déprédations d’autres déprédations et qu’il faut s’efforcer d’y remédier au plus vite … Et l’on a effectivement vu de nouveaux vandales s’adresser aux précédents, le 11 septembre !
En fin, (cliquez) vous verrez une photo instructive : l’autorisation des interventions de Kapoor à Versailles ; regardez la date : elle est postérieure à l’ouverture de l’exposition… ! (Ce qui motive d’ailleurs, pour partie, une plainte en justice ).
Les internautes qui ont du temps et des connaissances en langues étrangères peuvent s’amuser à recenser la réception du « Dirty corner ». Des sites déconseillent de venir voir Versailles… tant qu’il y a Kapoor, un exemple, cliquez. L’AC à Versailles : du « french-bashing »* sur un plateau ?
Voilà des péripéties (pourtant régulièrement provoquées par les artistes d’AC) qui ont donné argument à la Ministre Fleur Pèlerin pour inscrire » la liberté de création » dans le projet de loi examiné hier, 28 septembre 2015, à l’Assemblée nationale. Notez qu’à Versailles ce qui est en jeu n’est pas la liberté de création mais celle de monstration. Aurons-nous un jour une loi pour instituer « la liberté de respirer » ? Si oui, on peut craindre la suite : l’amendement sur les quotas d’oxygène. Certes, on peut applaudir quand la ministre dit vouloir plus de « variété pour la musique française », tout en remarquant que, dans les arts plastiques, ce souci ne l’anime guère : l’offre est peu diversifiée lorsqu’il s’agit d’occuper les lieux de patrimoine avec les œuvres d’AC . L’article L541-4 du projet de loi « Culture : Liberté de la création, architecture et patrimoine », prévoit l’attribution présumée à l’État de toute découverte de mobilier archéologique mis au jour fortuitement sur tous les terrains qui seront achetés après la promulgation de la loi. Voilà qui n’incitera pas les inventeurs de trésors à les déclarer mais plutôt à les détruire ou à les fondre : encore une bonne intention… dont l’enfer est pavé ?
Dans le documentaire d’Yves Jeuland, diffusé le soir même sur France 3 « A l’Elysée, un temps de président », on voit la très novice Fleur recevoir les conseils du président et du premier ministre : « Vois Jack ! Il a des idées ! ». Avant d’ajouter de rencontrer également J-J Aillagon. Suit une perle dans ce savoureux dialogue. Valls : » Va au spectacle ! « . Hollande : « Tous les soirs, il faut que tu te tapes ça. Et dis que c’est bien, que c’est beau. Ils veulent être aimés ! »
Christine Sourgins
*Ressentiment antifrançais