Olympiade culturelle…

25 juin 2024

ou le vélo d’Ingres de Jeannie Longo

Les Olympiades culturelles furent instaurées par Coubertin, en parallèle des Jeux qu’il rénovait, le fameux « mens sana in corpore sano » justifiant de véritables compétions d’artistes ; aujourd’hui, aux remises de médailles a succédé l’octroi de subventions… et les Olympiades affichent des valeurs en mutation.

Hier

Les plus grandes pointures se prirent aux jeux : en 1924, lors de J.O déjà parisiens, Paul Claudel et Fernand Léger siégeaient l’un au jury de littérature, l’autre de peinture. En musique rien de moins que Stravinsky, Ravel, Fauré et Bartok qui, faute d’être à l’unisson, ne décernèrent aucune récompense. En sculpture, le fils de Gauguin, Jean-René, fut médaillé de bronze sous pavillon danois. Si Paul Landowsky fut médaillé d’or pour son boxeur, les plus titrés ne passent pas d’office à la postérité comme ce double médaillé d’or, et pour deux olympiades consécutives, le peintre Jean Jacoby, spécialiste des sujets sportifs et bien oublié depuis.

Mais le ver était dans le fruit : en 1912 la médaille d’or de littérature fut octroyée à une « Ode au sport » : « O sport tu es la beauté, …la justice…, l’audace, …l’honneur, …la joie, …la fécondité, …le Progrès, …la Paix » : n’en jetez plus ! D’autant que les auteurs, G. Hohrod et M.  Eschbach, sont les pseudonymes… de Coubertin : pas très sport ! Et comme en 1936, sous la botte nazie, les artistes allemands raflèrent 12 médailles, dans l’après-guerre les événements culturels non compétitifs succédèrent aux compétions.

Aujourd’hui

S’il y eut autrefois des sportifs doublement récompensés (comme Hajos en natation et architecture ou Winans en tir et sculpture) c’était, à chaque fois, dans des disciplines bien séparées, distinctes : tout le contraire d’aujourd’hui où tout est dans tout et réciproquement. Telle cette jouissive régate olympique de… pirogues préhistoriques ! Le chef d’orchestre Dylan Corlay présente, en frac et cuissardes, son tour d’orchestre à bicyclette marrainé par Jeannie Longo qui jouera, à l’occasion, la cheffe d’orchestre.  Il s’agit de « révéler autrement le monde sportif », son vélo d’Ingres en somme, mais ici c’est plutôt le contraire : « désacraliser » les artistes classiques réputés trop sérieux. Dans tous les cas , on doit « casser les clichés » comme les cailloux : l’interactivité et le participatif règnent entre sport, danse, théâtre, opéra, arts plastiques, BD, gastronomie, céramique etc.

Dominique Hervieu, directrice de la Culture de Paris 2024, s’étonne et se réjouit du succès de l’opération : début mai, elle lisait encore chaque semaine une cinquantaine de dossiers pour éventuellement les labelliser. Mais est-ce si étonnant ? Outre l’intérêt sportivo-artistique n’y a-t-il pas une motivation financière ? Le comité de pilotage (dix personnes) gère 12 millions d’euros pour plus de 2000 événements (dont 150 bénéficient de 10 000 à 200 000 euros), certains, qui n’obtiennent que le label, peuvent ainsi accéder à d’autres sources de financement (ministère de la Culture, villes, régions, départements…). Ni le TRAM (réseau d’art contemporain de 34 lieux culturels en Île-de-France) ni le Grand Paris n’ont fourni de chiffres détaillés pour La Métropolitaine (1), mais l’intercommunalité participe « à hauteur de 7 millions d’euros à l’ensemble de l’Olympiade culturelle » : en ces temps de disette budgétaire, de quoi aiguiser les appétits, non ?

Il reste à espérer que ce saupoudrage soit visible auprès du grand public qui le finance. Parmi les créations chorégraphiques labellisées, il en est une qui mélange « danseur·euse·s amateur·rice·s et non danseur·seuse·s de tout âge. Objectif : être le plus nombreux possible » dans une démarche « d’inclusion, de participation et de solidarité ». Cette œuvre, où l’on peut voir des athlètes courir en tutu, se nomme « Panique Olympique » !  Vu l’instabilité du moment, espérons que ce ne soit pas prémonitoire…

Bonnes vacances, malgré tout !

Christine Sourgins

(1) La Métropolitaine, Rendez-vous international d’art contemporain de la Métropole du Grand Paris, soit du 4 mai au 15 septembre : 13 lieux d’art, plus de 100 artistes et plus de 60 temps forts, expositions, performances, rencontres, projections, tables-rondes, ateliers…