La ville de Rennes a ouvert en février une annexe à son musée des Beaux-Arts dans un quartier difficile, un projet louable de 400 m2 : habitants associés à la programmation, accès gratuit à la culture pour « faire tomber toutes les barrières physiques, économiques et sociologiques ». Problème : ce centre d’art est construit à côté du plus gros point deal de l’agglomération !
Le quartier, celui de Maurepas, gangrené par la violence, est le théâtre de fusillades : une balle perdue ayant touché un enfant, la bibliothèque du coin est fermée « pour sécurité ». Ne faudrait-il pas d’abord sécuriser les lieux avant de lancer un projet à 2,5 millions d’euros ? A quoi bon une sortie culturelle quand les habitants peinent à sortir de chez eux sans risquer leur vie ? Serait-on revenu à Victor Hugo « ouvrir une école (ici un musée) pour fermer une prison » ? Utopie généreuse dont l’expérience montre, hélas, que ce n’est pas si simple : à Rennes une fusillade nourrie (une heure !) a eu lieu devant le conservatoire de musique qui n’adoucit pas toujours les mœurs. La ville se défend de chasser le narcotrafic à coup d’art contemporain : pourquoi cette ouverture précipitée, alors ? Faut-il sous-entendre, ce qu’un autre maire, Eric Piolle à Grenoble, revendique : « trouver un modus vivendi avec les dealers » ?
Ou bien les projets culturels masqueraient-ils les impuissances du politique (aux frais du contribuable) ? Le Président Macron essuie des déconfitures diplomatiques en Afrique : vite un musée ! Souvenez-vous : la MansA, devait faire « rayonner la création africaine contemporaine » en jouant les coucous à la Monnaie de Paris, expropriant un patrimoine historique classé : la raison semble revenue, la MansA « ouvrira ses portes, juin 2025 dans un ancien atelier du 10e arrondissement ».
Un musée du terrorisme ?
Autre problème, « le djihadisme d’atmosphère » nous menace. Un problème ? Un musée-mémorial du terrorisme ! Consacré aux « victimes du terrorisme », cet aspect compassionnel met les associations des victimes du côté du gouvernement qui parachute le tout à l’Ecole de plein air de Suresnes. Or la ville est déjà pourvue d’un Mémorial, celui du Mont Valérien, haut-lieu de la Résistance où les nazis fusillaient, officiellement, des…terroristes ! Les Suresnois, inquiets, craignent des confusions entre résistance et terrorisme. Qu’est-ce qu’on verra dans ce musée, demandent-ils ? Des poubelles, leur a-t-on répondu ! Ben oui, les caches des bombes, pardi ! Quelle judicieuse pédagogie : de quoi donner des idées aux futurs scolaires en visite, les apprentis terroristes étant de plus en plus en herbe, comme on sait ! Le musée devrait couvrir une période de 1974 à nos jours : 1974 c’est l’attentat du drugstore Publicis, lié à Carlos et au front de libération de la Palestine, 1983 évoquera sans doute l’attentat du Drakkar au Liban avec 58 victimes, des parachutistes français etc., Nombre d’attentats sont liés au Proche-Orient dont les conflits s’importent en France plus intensément depuis les événements de Gaza : ce musée risque, involontairement, de souffler sur les braises, devenant une cible éventuelle, à surveiller à prix d’or…
La muséification du monde et au-delà
La « muséite » est une épidémie planétaire devenue lunaire. Ainsi, le World Monuments Fund (WMF) a publié une liste de sites patrimoniaux menacés, par la guerre, une urbanisation rapide, des séismes, des changements climatiques, une sur-fréquentation touristique etc. Cette liste se termine par les lieux d’alunissage notamment celui d’Apollo 11, théâtre du premier pas de l’homme sur la lune. Le WMF espère que les prochaines missions lunaires prendront en compte la préservation de ces traces ! (Pour le futur tourisme spatial ?)
Christine Sourgins