Les grands retournements

1 octobre 2024

L’histoire a connu de grands retournements, l’Art aussi : ainsi Abraham Lincoln, président anti-esclavagiste, donc progressiste, était du parti… Républicain, qui est aujourd’hui celui de Trump défendant plutôt une ligne conservatrice ! La galanterie passe actuellement pour une ruse du mâle blanc asservissant à coup de politesse la gent féminine or elle fut, en son origine, une création des femmes qui, au XVIIème, civilisèrent via les bonnes manières, des hommes aux mœurs brutales… La Peinture fut une passion française, brillante au XIXème, sa renommée se prolongea au XXème via les deux Ecoles de Paris. Depuis 1982, on nous explique doctement que la Peinture c’est ringard, dépassé, réac ou pire : une passion périmée comme disait déjà Bonnard.

La Peinture revient ?

Or voici que des peintres contemporains arrivent au musée d’Orsay (via l’énergique Thomas Lévy-Lasne). Bon, pour une journée seulement, portion congrue mais c’est, en soi, un grand retournement. On accourt. Il y a du monde qui engage conversation avec les artistes debout à côté de leur chevalet où trône leur œuvre : sympathique. Mais que voit-on ? Un Grain de sel n’est pas assez long pour l’analyser par le menu mais disons que ce n’est pas vraiment (à part quelques heureuses exceptions) la Peinture qui revient. C’est ce qu’il en reste après la rupture due à l’arrêt, dans les écoles d’art,  de la transmission du métier et du regard (car le métier ne se limite pas aux recettes d’atelier): le plus souvent (encore une fois, il y a des exceptions) le rendu est plat, plutôt coloré, certes, mais avec peu de profondeur et de texture. On sent un milieu qui s’est formé l’œil ailleurs que devant les tableaux de maîtres ou la nature : devant les écrans. Pas facile dans ces conditions de dépasser la photo, aussi ressent-on souvent un manque de présence (sauf à penser que présence égal grand format), une vacuité qui rend cruelles certaines comparaisons avec les pièces voisines du musée. Si on peut se réjouir de la diversité des courants représentés, cependant comme le disait Max Ernst, « ce n’est pas la colle qui fait le collage », idem du rapport entre toile, pinceaux et pigments avec la Peinture. On en ressort mi-figue mi-raisin, déçu d’une forme d’imagerie mais avec l’espoir que ce soit un passage vers un recommencement…

« Femmes en or », pour qui ?

Pour les sculpteurs, il y a aussi du retournement dans l’air. Normalement, lorsque des sculptures de personnalités occupaient l’espace public cela donnait lieu à un concours âprement disputé entre des artistes. L’Etat et la Ville de Paris ont décidé de pérenniser les dix « femmes en or », féministes et militantes (1), apparues dans le tableau « Sororité » lors de la Cérémonie d’ouverture des J.O. (2 cliquer). Les décors de cérémonies, par définition éphémères, n’ont pas vocation à être conservés (3) d’où cette « post sculpture » qui ne dépassait pas la photo traduite en 3D version bling-bling, le tout semblant créé par une machine, et pour cause ! Ces bibelots de 4 mètres furent réalisés par « Paname 2024 (4) et fabriqués par impression 3D en résine polymère (durcie à la fibre de verre) par CMDS Factory, en collaboration avec l’entreprise Marie 3D, voilà pour les artistes !

Aujourd’hui exposées près de l’Assemblée nationale, ces « sculptures », ou plutôt « images en 3D », iraient Porte de la Chapelle, ancien haut lieu du crack. D’aucun s’interrogent sur leurs chances de survie mais la disparition des sculpteurs n’est pas un sujet abordé.

Christine Sourgins

(1) Simone de Beauvoir, Olympe de Gouges, Simone Veil, Alice Milliat, Gisèle Halimi, Paulette Nardal, Jeanne Barret, Christine de Pizan, Alice Guy et Louise Michel.

(2) Nouvel article, complet et définitif, sur les pièges de la Cérémonie d’ouverture des J.O. pour la revue La Nef (cliquer)

(3) Aucun décor n’a été conservé pour les « entrées royales » ou « impériales » d’antan, on les connait (mal) par des gravures ou dessins.

(4) Paname 24 est une société, née de l’association de 5 des plus grandes agences de production événementielle françaises (Auditoire, Havas Events, Ubi Bene, Obo et Double 2), chargée de la production exécutive de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques sur la Seine et de la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques de PARIS 2024.