Dans la perspective des futurs JO, les journées du Patrimoine ont prisé le patrimoine sportif (1) et la complémentarité sport /culture… bien illustrée par l’oligarque Roman Abramovitch qui posséda le club de Chelsea et moult œuvres d’art : joueurs et toiles ne sont-ils pas de potentielles plus-values ?
L’art célèbre le sport
Si l’art s’est parfois inspiré du sport, l’AC, lui, le fit moins pour exalter la grâce d’un geste que pour subvertir les règles : ainsi l’artiste U. Tzaig fit jouer deux équipes de foot avec… deux ballons. Gianni Motti, déguisé, s’incrusta incognito dans l’équipe de Neuchâtel, tandis qu’I. Lüscher dota les joueurs de vêtements de grands couturiers pour les voir maculés de boue… Parodie, dérision et critique : Fabrice Gygi construisit une tribune très encagée, rappelant que les stades ont parfois servi de prison, au Chili ou ailleurs… On est loin des footballeurs de Nicolas de Staël qui disputaient, en 1952, le match de la figuration avec l’abstraction. Se rappelle-t-on que Combas, pour la coupe du monde de rugby 2007, exécuta une bâche géante, en public, au stade de France ?
La menace fantôme des J.O.
En 2023, apparemment tout baigne ; les annonces pleuvent : octobre, une expo « mode et sport » au palais Galliera, 4 commandes artistiques de 600 000 euros pour le village olympique et un Clubhouse de 15 000 m2 au Palais de Tokyo etc. La leçon des précédents JO ne semble pas tirée : lors de ceux de Londres en 2012, les sites patrimoniaux ont vu leur fréquentation chuter de plus de 20%. Même le British muséum, avec sa pierre de Rosette et sa frise du Parthénon, perdit un quart de son public !
Pas sûr que les « packages » combinant chèrement, tickets sportifs et excursions culturelles suffisent. Le spectacle vivant est déjà chamboulé, le ministre Darmanin ayant annoncé que les événements de l’été 2024 devraient être annulés ou reportés, en raison de la mobilisation des forces de l’ordre pour les JO, celles-ci ne pouvant être partout. Les festivals se décalent en chaîne et craignent pour leur écosystème.
Dictature de l’olympisme ?
Les JO mettent en péril sans état d’âme un « symbole majeur de Paris » pourtant inscrit à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France : les bouquinistes, sommés de déguerpir avec leurs boîtes à livres. Ils sont là depuis des siècles mais « menacent » la méga-parade olympique sur Seine, qui va durer quelques heures. Vu le temps du démontage, risqué, des fragiles 570 boîtes (où mettre leur contenu ?), leur activité devra s’interrompre longtemps et sans indemnité ! La Mairie a vaguement proposé une relocalisation vers Bastille : mais ils sont intimement liés aux quais, pourquoi devraient-ils réussir, avec leurs petits moyens, ce que peine à faire à la Bastille, le Grand Palais bis « immersif » ? De grandes signatures s’indignent (Edgard Morin, Mona Ozouf, Michelle Perrot…) une pétition a été lancée. Pour que le sport ne tue pas la culture et ce métier difficile, déjà affecté par les récentes crises sanitaires ou sociales, vous pouvez cliquer ici vers la pétition…
Christine Sourgins
- (1) Sur la sauvegarde du patrimoine religieux, un grand article : Christine Sourgins, « Brève histoire d’une subversion : les sanctuaires investis par l’Art dit « contemporain ». N°96 de la revue Liberté politique, juin 2023, p.9 à 27. Plus d’infos, cliquez