Quel rapport y-a-t-il entre une fusée qui explose, un cours de dessin et la Vénus de Botticelli en pull rayé ? A priori aucun et pourtant.
Les écoles d’art à la dérive
« Les écoles d’art s’inquiètent pour leur avenir » titre le Monde (1) qui s’empresse de rassurer les jeunes, qui s’agitent : « le ministère de la culture met en place un plan d’urgence pour éviter les fermetures ». L’inflation a bon dos pour expliquer la crise : de plus en plus sous tutelle des collectivités territoriales, les écoles sont à « la merci des aléas politiques locaux ». Or elles coûtent cher car beaucoup d’élèves, d’abord boursiers, trouveront peu de débouchés au sortir de leur formation (dans l’AC, beaucoup d’appelés, peu d’élus !) : ce sont donc de futurs allocataires de minimum sociaux, donc à charge de ces mêmes collectivités… un cercle peu vertueux. Autre problème : la formation de ces écoles y est souvent moins manuelle que conceptuelle, on « pense » (suivant les dogmes médiatiques) et on réseaute mais on ne peint, sculpte ou dessine guère. Les étudiants des écoles d’art ne pourront même pas se reconvertir chez « les artisans d’art (qui sont) en quête d’aide et de relève » (2), les premiers n’ont pas appris à regarder, observer avec leur œil et leur main.
N’y voir que du feu
Et là, nous arrivons à l’explosion de la plus grande fusée du monde, Starship de SpaceX. Alors qu’un scientifique commente, son départ en direct sur BFM le 20 avril, ce dernier ne s’inquiète nullement du tracé erratique de l’engin tant il est enthousiaste. Quand la fusée explose sous son nez, il recentre sa collègue dubitative : c’est la séparation du premier étage ! Spectaculaire mais normal, tous les professionnels le savent ! Voilà à quoi aboutit une formation conceptuelle, abstraite, débutée dans nos écoles primaires ou secondaire qui ont oublié Goethe : « ce que je n’ai pas dessiné, je ne l’ai pas vu ». Nous sommes dirigés par des gens « déconnectés » c’est à-dire incapable d’observer, jusqu’au déni de réalité (suivre ce lien vers la courte vidéo et après 4mn, un grand moment !).
Vénus baladeuse
Même leçon en Italie où la Vénus de Botticelli a été transformée en influenceuse, avec pull rayé et vélomoteur, pour vanter les beautés du pays. Tollé contre cette suite de clichés, dénonciation générale d’un « détournement », comme si les suiveurs de Duchamp n’avaient pas mis sur orbite, et depuis longtemps, un rapport « décomplexé » au passé, faisant le lit des utilisations publicitaires ou commerciales. Pire, parmi les scènes typiquement italiennes, l’une se passait en Slovénie !!! Embarras de la ministre de la Culture qui n’avait vu que du feu : le clip fut retiré… l’ensemble de la campagne a coûté 9 millions d’euros… alors que beaucoup de villes d’art s’inquiètent de la dégradation des sites par le tourisme de masse !
Saviez-vous que Versailles sature en ce moment ? Or, nulle expo d’AC n’y sévit, ce qui dénonce la contre-vérité médiatique : « il faut des expos d’AC pour faire venir du monde ! ». Un fait observable depuis longtemps, là encore !
Christine Sourgins
- Article de Sylvia Zappi, le Monde, 30/03/23, p.21.
- Article de Roxana Azimi, ibid, p. 30.