Thomas Pesquet, l’astronaute français actuellement à bord de la station spatiale internationale s’apprête à mettre l’Art contemporain, version AC, sur orbite. Ce pilote de ligne, ingénieur par surcroît, a subi sept ans d’entraînement pour survivre dans des conditions extrêmes ; il parle six langues, est rompu aux expériences scientifiques complexes comme aux réparations de haute précision : mais que diable vient-il faire dans la galère de l’AC ? On parierait volontiers qu’il ignore le dixième du débat qui l’entoure depuis 40 ans. Alors ? Il s’est engagé pendant sa mission à réaliser une œuvre en papier d’Eduardo Kac, artiste d’AC, version « art transgénique », connu pour avoir introduit une protéine fluo issue d’une méduse dans l’ADN d’un lapin. L’astronaute participe, lui, à une œuvre baptisée avec opportunisme « Télescope intérieur », une « performance » qui se composera de 2 pliages, d’un découpage, et hop !, le mot « MOI » flottera en apesanteur…
Ce Moi « résume tout un chacun et donc l’humanité » philosophe Pesquet, qui, métaphysiquement, nous déçoit un peu. « Ce sera un petit pas pour l’homme, et un grand pas pour l’art » assène–t-il sans crainte du ridicule en parodiant Neil Armstrong posant le premier pas sur la lune. Une caméra filmera « Moi » dans l’Espace et retransmettra l’événement sidéral au festival des Imaginaires spatiaux du CNES en mars prochain. Les Russes avaient déjà embarqué des œuvres d’art : des icônes. On mesure ainsi les différences de hauteur dans l’imaginaire des peuples. Aux Russes, la profondeur mystique ; aux français, l’insoutenable légèreté du nombrilisme.
Mais tout cela ne répond pas à la question : pourquoi ? La réponse c’est Blanche Lochmann qui la donne dans un article du Point du 20/11/16. Elle y révèle que Pesquet fait l’objet d’une campagne de dérision sous couvert d’humour, au motif qu’il serait trop parfait, « trop bon élève » : ce fils de prof énerve la classe médiatique. Trop de brillance, de valeur, de sens de l’effort, qualités qui, dans une France rétrécie par l’envie, attire les quolibets au lieu d’une admiration légitime. D’où, et cette fois c’est MOI qui prolonge le raisonnement, le recours à l’AC. Une manière de dire à la classe médiatique qui chérit ce courant d’art, « regardez, moi aussi j’aime ce que vous aimez, je ne suis pas celui que vous croyez ! »
Ce réflexe de légitimation par l’AC explique que cet art dit « contemporain » peut être prisé politiquement à Gauche (pour sa pseudo novation ou ses transgressions) comme à Droite, voire parfois très à Droite (« si j’aime un peu d’AC, c’est que je ne suis pas le ringard ou le réac ou le facho que vous croyez »).
Ainsi nous tenons sans doute l’explication d’un renversement sidéral et sidérant qui vient de secouer l’Académie des Beaux-Arts. Soit l’introduction d’une dose d’AC dans l’ADN d’une institution dévolue jusques là aux artistes de « la main pensante » avec l’élection du fluorescent et médusant Bustamante, artiste célèbre, lui, pour avoir introduit un camion dans une église.
Christine Sourgins