Le plus grand musée du capitalocène
Au « capitalocène », l’argent est « le nerf de la guerre » et l’aiguillon du milieu de l’art. Aussi règne-t-il sur le plus grand musée du monde. Lequel ? Le Louvre ? Le British muséum ? Pas du tout : alors que la pandémie arrêtait ces derniers, que les ventes aux enchères ou les grandes foires s’annulaient, le plus grand musée du monde (aux trésors estimés à 100 milliards de dollars) ne désemplissait pas, bien qu’il ne reçoive aucun visiteur : le Port Franc de Genève, détenus à 87 % par l’Etat suisse, affiche complet et ce n’est pas la guerre d’Ukraine qui l’arrêtera, bien au contraire. Ce coffre-fort hautement sécurisé n’exige pas de connaître l’identité du bénéficiaire final d’une transaction : les oligarques russes en profiteraient pour planquer leurs actifs sous forme d’œuvres, échappant aux sanctions qui les frappent ! Le milieu de l’art dénie fermement : les pauvres oligarques seraient démunis de leurs habituels transitaires, avocats ou compagnies d’assurance pour les y aider. Mais la mondialisation a horreur du vide et un prestataire occidental récalcitrant peut fort bien être remplacé par un intervenant chinois, par exemple…
Les curateurs au capitalocène
Nicolas Bourriaud a codirigé le Palais de Tokyo, passé par la Tate Britain, présidé l’Ecole des beaux-arts de Paris, d’où il fut « débarqué » en 2015, comme au Moco de Montpellier en 2021. Exit l’administrateur, le re-voici en théoricien de l’« esthétique du capitalocène » sic, son dernier essai : les artistes, à conditions d’être « radicaux », échapperaient au système productiviste… tout y participant ( !). Après sa fameuse « esthétique relationnelle », N. Bourriaud prône une nouvelle conception de l’art, entre décroissance et décolonisation, avec l’inclusion en clé de voute. Puis le théoricien repasse à l’action, lançant une « coopérative curatoriale », dénommée « Radicants » pour reprendre le titre de son livre de 2009, « Radicant. Pour une esthétique de la globalisation ». Censée « faire découvrir des pratiques culturelles émergentes », cette coopérative s’adresse aux commissaires d’expositions, ce terme impliquant la délégation d’une tutelle, N. Bourriaud lui préfère le mot « curateurs », « apportant un point de vue original sur le monde de l’art, une vision philosophique ou historique. » En mutualisant compétences et réseaux, Radicants offre une plate-forme de valorisation : production et vente d’expositions, conseil en ingénierie culturelle, édition et vente d’œuvres. N’allez pas croire que l’espace de 250 m² ouvert en mai au 18 rue de Commines à Paris soit une galerie commerciale, non, c’est « une entité commerciale non-profit. Elle travaille avec les galeries mais ne représente pas les artistes »sic. Commissaires et/ou curateurs toucheront des commissions sur les ventes d’œuvres ; Radicants en perçoit également pour son fonctionnement et a, en outre, reçu des investissements du Groupe immobilier Montpelliérain Hugar mais pour un montant non communiqué : oh, « Capitalocène », quand tu nous tiens !
Les gagne-petit du capitalocène
Ce 8 juin, a été démantelé un réseau de quatorze personnes trafiquant aux abords du Louvre : elles récupéraient les tickets papier ou électroniques auprès des visiteurs qui venaient d’achever leur visite du musée, avant de les revendre aux touristes, plus cher que le prix d’achat. Mais les billets étaient inutilisables…
Christine Sourgins