L’affaire McCarthy (cliquez) aurait-elle volé la vedette à la Fiac et à l’inauguration de la fondation Vuitton ?
Pour la première fois il n’y a pas unanimité à défendre l’AC (l’art contemporain officiel et financier), et ceux qui le font sentent le vide de leurs arguments. Jack Lang lui même au Grand Journal du 23 octobre sur Canal Plus semble sur la réserve. On l’attendait dithyrambique sur McCarthy, il a préféré se féliciter de la controverse et s’inquiéter de la marchandisation affectant un monde de l’art trop conformiste (sic). McCarthy invité sur le plateau y renonce ( ?). Selon Christophe Beaux qui expose l’artiste à la Monnaie de Paris, (quel symbole que d’exposer l’Art financier en ce lieu !) McCarthy serait éprouvé par l’affaire … enfin pas trop, car il nous apprend que McCarthy est en train de recycler les paroles de son agresseur pour en faire une œuvre ! Tout est AC ….
La réaction de Philippe Dagen dans le Monde du 23 octobre montre que le vent tourne. Dagen sait qu’un AC réduit à la « provocation grasse et (au) scandale sexuel », se fragilise en période de crise en révélant sa vraie nature de planche à billets ludique. Or, dit-il « l’intérêt plastique de Tree est faible, pour ne rien dire de son inintérêt intellectuel », « il y a mieux à faire que de gonfler un phallus couleur sapin dans les beaux-quartiers de Paris ». Aux « artistes de cour » qui donnent dans la bouffonnerie (entendez McCarthy), il oppose ceux qui donnent dans le sacré et dont la fondation Vuitton serait, selon lui, l’écrin : les monochromes y sont « sublimes » et la « sidération » que provoque l’architecture s’apaiserait, toujours selon Ph. Dagen, dans la contemplation des collections dont l’accrochage ne contient « rien de politique ni de critique ». Bref, La Fondation Vuitton, qui « loin de chercher le scandale » maintiendrait les apparences, avec un « art ni transgressif ni régressif » semble devenir un nouveau modèle. Va-t-on vers un AC toujours aussi lucratif mais au nihilisme plus discret, réservé à l’entre soi de ceux qui en tirent bénéfice ? Il est vrai que le billet d’entrée de la Fondation Vuitton, à 14 euros, comme un billet Fiac à 40 euro, incitent à le penser…
Si Le Canard Enchaîné a loupé le coche en préférant hurler avec les loups contre les affreux censeurs, Rioufol et Natacha Polony dans le Figaro des 24 et 25 octobre, ne sont pas dupes de cette fabrication de la cote McCarthy. Mais Marianne, le 26 octobre, va le plus loin avec Eric Conan qui se demande si l’installation de la place Vendôme n’ avait pas été la provoc de trop, « celle risquant de mettre à nu les ressorts du système économique de l’art contemporain : une coterie de riches, de critiques et de fonctionnaires de la Culture s’accaparant l’espace public pour décréter « œuvres » des signes qui servent de plus en plus la rente financière et sa défiscalisation massive » ?
On ne saurait mieux dire ; l’article contient en outre quelques perles : désigner comme« artocrates » les manieurs de cote, d’espace et de fonds publics, le tout constituant une « imposture en bande organisée » car « dans ce système, l’artiste est en fait plus créé qu’il ne crée ». Excellent. Pour conclure, Marianne se demande si « plug anal de 24 mètres de la place Vendôme n’était pas le premier accident industriel du juteux business de l’art contemporain ».
Mais décerner à Dagen le titre de « lanceur d’alerte » est une fausse note. Non, les lanceurs d’alerte sont ces critiques, écrivains, historiens, journalistes et artistes qui depuis des décennies dénoncent les méfaits de l’AC, quand le vent n’avait pas encore tourné et que l’épithète de réac faisait de la casse….la grande presse a beau jeu, tout à coup, de retenir (enfin) leurs arguments sans en signaler la source… ce qui augure non d’un remplacement de l’AC mais d’une simple mutation de l’AC …
Christine Sourgins