Le musée du Quai Branly était déjà consacré aux arts Africains (et d’Asie, d’Océanie ou des Amériques) ses coûts de construction et d’exploitation ayant été épinglés par la Cour des comptes en 2007. Bis repetita, le déficit record des finances publiques va s’alourdir avec un nouveau musée consacré une fois de plus à l’Afrique, la MansA, qui fera « rayonner la création africaine contemporaine ». Cette MansA a déjà logo, directrice, une dizaine de salariés ; son budget prévoit (pour commencer) 2,1 millions d’euros du ministère de la Culture, plus cinq millions des Affaires étrangères. Pourquoi ce doublon ? Les sirènes de la repentance enjoignent de « redonner une chance à la France à un moment où elle est chahutée en Afrique et paie les errements des gouvernements successifs » dixit l’universitaire camerounais Achille Mbembe qui conseille le Président Macron, à la manœuvre. E. Pierrat y voit, au contraire, un projet post-colonial visant à redonner à la France un rôle d’influence dont son président disait ne plus vouloir ! Ambigu, dispendieux, ce projet devient aberrant vu son point de chute actuel : la Monnaie de Paris !
La stratégie du coucou
Bâtie par Louis XV, ce « palais-usine » a gardé ses fonctions d’origine : la frappe de monnaies, médailles, pièces de collection dans un ensemble cohérent, classé monument historique : aucun rapport avec l’Afrique, donc aucune synergie possible entre les deux projets, sauf le classique calembour « France à fric » ! Pire, ce véritable parasitage portera un coup fatal à la Monnaie de Paris, privée des salles qu’elle loue et lui permettant de fonctionner sans aide de l’Etat. Cas rarissime, la Monnaie de Paris s’autofinance par ses ressources propres (billetterie, location d’espaces, concessions de restauration). Notre « Mozart de la finance » n’aime pas les comptes à l’équilibre et préfère casser une structure qui marche, ce qui menace de plan social 350 personnes, suite à délocalisation partielle ou complète. Mais qu’a donc fait la Monnaie pour mériter une telle sanction ?
Dissoudre la Monnaie
Elle a fabriqué les médailles des JO car c’est la dernière usine en activité au cœur de la capitale : quid alors de la réindustrialisation, M. Macron ? Quid de la stratégie nationale en faveur des métiers d’art ? Avec son musée labellisé « musée de France », ses expositions temporaires, sa boutique, deux restaurants dont celui étoilé de Guy Savoy, la Monnaie est un lieu vivant, ouvert, même à l’Art trop contemporain, officiel et financier : que peut-on lui reprocher ?
D’être trop identitaire ? La monnaie étant un attribut régalien, le site est-il trop lié au Franc, à la « grande histoire » ? Notre président veut-il dissoudre un symbole national au bénéfice de « notre » Europe et/ou d’une « France à fric » qui bat de l’aile (1)? Ou bien, plus simplement, est-ce le résultat du mélange de chiqué, de disruption et de « en même temps » propre aux « Jupitériens » ? M. Macron semble repris par ses vieux démons, lui qui assurait en 2017 ne pas connaitre de « culture française » ni « d’art français » (2) ? La reconstruction de Notre-Dame n’aura donc été qu’une parenthèse (médiatique) et encore, attendons de voir « ses » vitraux (3) !
NB : Rodolphe Krempp, délégué syndical CFE-CGC de la Monnaie de Paris, a mis en ligne une pétition pour sauver la Monnaie : cliquer
Christine Sourgins
(1) La MansA récupérerait au mieux 1000 m2, loin des ambitions initiales… quand l’Institut du monde arabe dispose de 17 000 m2. Il se pourrait qu’in fine, cette nouvelle dissolution macronienne mécontente tout le monde !
(2) 2017, à Lyon, Emmanuel Macron déclara :« Il n’y a pas une culture française, il y a une culture en France et elle est diverse » ; et à Londres, “l’art français je ne l’ai jamais vu”. Autant dire que les français sont juste des consommateurs de produits dits culturels, parmi d’autres.
(3) N’oublions pas le saccage des fouilles archéologiques de Notre-Dame pour aller plus vite et tenir les délais présidentiels : voir Grain de Sel du 24/01/24 cliquer