Que penser d’un pays qui va masquer un symbole national aussi puissant que l’Arc de triomphe (Christo va l’emballer du 19 septembre au 4 octobre 2020), et qui, dans le même temps, est incapable de masquer les personnels soignants engagés, au péril de leur vie, dans une guerre sanitaire ? Christo est donc indispensable.
Or le problème des masques est crucial puisqu’il y a des porteurs sains (qui contaminent d’autant mieux !) : il faudrait que nous portions tous des masques en public, ce serait moins drôle qu’un tableau d’Ensor mais constituerait un barrage utile, les asiatiques l’ont compris depuis longtemps. Mais nos « responsables » institutionnels (gouverner c’est prévoir) n’ont acheté ni masques ni tests suffisants : pas indispensables !
A quoi servent donc nos impôts si rien n’est prêt le jour J ? A acheter de l’Art très contemporain par exemple ! Etrangement, cette crise sanitaire rejoint l’article publié dans la revue Ligéia ( cliquer pour voir le début de l’article) intitulé « Du mépris de la Peinture aux Gilets jaunes ». J’y analyse le rejet et la ringardisation des arts plastiques traditionnels par un Etat préférant s’accoquiner avec l’art conceptualo-financier chéri des grands collectionneurs. Choix désastreux pour tout un tissu socio-culturel précarisé, au point d’aboutir à une forme d’articide silencieux, car les artistes qui se pendent dans leur atelier font encore moins de bruit que les agriculteurs qui se suicident en plein champ. L’officialisation calamiteuse d’un art conceptuel, transgresseur et spéculatif, a entrainé une déconsidération de l’Etat, de son discours, de son personnel : en raison des dépenses somptuaires, des pratiques opaques donc antidémocratiques du ministère de la Culture, en matière de financement, d’attribution de commandes, d’expositions, de dévoiement de l’espace public etc. Cet art est largement arrimé à la mondialisation dont on sait qu’elle est l’enrichissement des riches des pays pauvres et l’appauvrissement des pauvres des pays riches ce qu’illustrèrent les Gilets jaunes. Les choix culturels étatiques ont nourri une colère pas prête à retomber car cet Art contemporain là est l’art d’une mondialisation dont on découvre qu’elle est aussi le fameux patient zéro, celui qui passe partout pour semer la désolation.
Ce nouvel article fait suite à un premier, paru dans le précédent numéro de Ligeia, « Loin des Gilets jaunes, l’art politisé de la France des années 60/70 ». (Cliquer pour voir le début ) Là, je retraçais l’origine de la méfiance des hommes de l’Etat, face à la Peinture en particulier, car les années 60/70 furent fertiles en pratiques artistiques engagées qui ont été mises sous le boisseau. Cliquer pour commander Ligeia.
Premier impact significatif du Corona sur la culture : suspendre les travaux de Notre-Dame, la cathédrale n’est toujours pas sécurisée…Mais le virus révèle aussi notre « culture » profonde : il y a peu, un journaliste télé s’offusquait du terme « super-contaminateur » désignant les porteurs sains (1), dans une apothéose du politiquement correct : « il va falloir trouver un autre terme parce que c’est trop stigmatisant ». En revanche, les autorités qui avec retard, nous ont renvoyé dans nos foyers ont fermé tous les commerces et métiers « non indispensables à la vie de la nation », ça, ce n’est pas stigmatisant du tout. Les cultes sont interdits : pas indispensables, seul le culte électoral a failli se maintenir. Pour nos dirigeants, une librairie n’est pas indispensable, un peintre, un sculpteur, un poète non plus, bien sûr ! A leur décharge, pâtes et papiers toilettes ont manqué mais aucune pénurie de livres : nulle ruée sur « la Peste » de Camus ou vers le « Hussard sur le toit » de Giono (qui traite du choléra pour les amateurs). Ne sont indispensables dans le monde de la mondialisation, que la banque, la bouffe, et les médias… et puis le corps médical, tous ces gens en grève, il y a peu, parce qu’on les considérait non indispensables à l’économie : un hôpital, c’est un fardeau à côté d’une start-up ; médecins et infirmières coutent et ne rapportent rien…(2). Autre choc des cultures : face au virus, les français font la queue pour s’acheter des conserves et du doliprane. Les américains aussi, mais avec, en plus, des files d’attente devant les armureries. Devant les colts et les carabines, le Corona va avoir la pétoche et muter : une autre approche pour tuer le virus ?
Face au virus de la bêtise, le retranchement derrière les livres (qui ne tombent jamais en panne) a toujours été salutaire. Peut-être relire « La Guerre des mondes » de H.G.Wells (publié en 1898 !) qui raconte l’invasion de la terre par de méchants martiens que même l’armée britannique n’arrive pas à arrêter ; or les terribles martiens seront exterminés… par nos microbes. Serions-nous devenus les envahisseurs de notre propre planète ?
A suivre…
Christine Sourgins
(1) qui, n’étant pas malades, continuaient leurs activités et répandaient le virus allègrement…
(2) Même en pleine épidémie, on aide les entreprises avant de songer à augmenter le salaire des soignants.