C’est la dernière mode, surtout chez les jeunes, l’expression « dupe » ne signifiant pas « berné » (quoique) mais abrège « duplicata ». Ce goût immodéré, voire illégal, pour des imitations de produits haut de gamme à bas prix va jusqu’à l’éloge de la contrefaçon chez certains influenceurs : mode, parfum, cosmétiques viennent souvent de Chine où le concept cartonne vu le marasme économique et le chômage des jeunes. La « Luxury fatigue » sic menace les empires du luxe de Mrs Arnault (LVMH) et Pinault affrontés aussi à l’ascension de marques nationales haut de gamme chinoises. La « dupe culture » va-t-elle rebattre les cartes de l’AC et produire un changement de paradigme puisque sont affectés de très gros collectionneurs et décideurs d’Art financier ? Ce serait justice, tant l’AC s’est complu à être un ersatz d’art ou une « alternative progressiste » si on préfère, bref une « dupe culture » mais au sens XVIIème siècle (1) !
Pass-culture et la culture trépasse
Le Pass-culture est un bon exemple de ce jeu de dupes : censé inciter les jeunes à découvrir la diversité culturelle, ses 300 euros à dépenser, au choix des 18 ans, sont contre-productifs, dixit le Monde (2). Car les plus aisés en profitent le plus (un comble, ils ont déjà les moyens) et la majorité des dépenses va aux mangas, jeux vidéo ou films à succès qui n’avaient nul besoin de coup de pouce. Le Pass culture encourage la culture « mainstream » au lieu de favoriser la découverte et l’argent public finit dans la poche de producteurs privés souvent étrangers, sans compter que, dans une France gangrenée par des trafics en tous genre, il y en a même un sur les Pass culture ! Ce fiasco creuse à prix d’or les inégalités qu’il devait corriger : deux cent soixante millions d’euros, trois fois ce que dépense l’Etat pour l’éducation artistique ! Un second Pass culture a vu le jour en 2022, collectif et non individuel, ajout au premier il ne le remplace pas et les évaluations manquent. Si le milieu culturel est hostile, Rachida Dati sceptique, ce « symbole politique macroniste » a la vie dure même si, cerise sur le gâteau de la dette, la société gestionnaire du Pass (166 salariés) a été épinglée pour son opacité !
La bêtise en gloire
Autre exemple de « dupe culture » le livre de Morgan Labar « La gloire de la bêtise – Régression et superficialités dans les arts depuis la fin des années 80 »(3) confirmant que « le succès de la bêtise compulsive est éclatant. Les cultures propres à l’adolescence deviennent le lieu d’une fixation, d’un refus d’accéder à l’univers normé de la culture « adulte » » ; l’auteur déplorant simplement que « la bêtise a parfois perdu sa dimension critique et son caractère subversif pour devenir l’une des logiques culturelles de l’époque ». Peu de nouveauté ici, le sujet a été traité maintes fois et par des auteurs institutionnels appuyés sur la tradition dadaïste de l’anti-sens (Cf le livre de Jean-Yves Jouannais sur « L’idiotie : Art, vie, politique-méthode » en 2003). Loin d’être une auto-critique, ces textes revalorisent l’idiotie même, une manière de couper l’herbe sous le pied des critiques de l’AC prompts à l’accuser de bêtise : l’idiotie est une émancipation (du logos) et une manipulation comme une autre… l’AC entend en rester maître.
Si vous cherchez une antidote à cette « dupe culture »-là, tournez-vous plutôt vers l’édition poche du livre d’Aude de Kerros qui vient de sortir avec un chapitre inédit, chez Eyrolles : « Art contemporain, manipulation et géopolitique », un titre explicite ! cliquez
Christine Sourgins
- La journée des Dupes de 1630 vit le roi Louis XIII réitèrer sa confiance à Richelieu, au grand dam de la reine-mère Marie de Médicis contrainte à l’exil.
- M. Guerrin « Qui osera supprimer le Pass culture ? » Le Monde, 14/09/24, p.32.
- Publié par les Presses du Réel ; historien et critique d’art, Morgan Labar (né en 1987) a dirigé l’École supérieure d’art d’Avignon puis les Beaux-arts de Lyon…etc.