L’affaire McKinsey (ce cabinet de conseil murmurant à l’oreille du Président mais pas que (1)) n’est pas sans écho dans le monde de l’art où la collusion état/privé s’appelle « redessiner un partenariat»(2). Car la double exposition qui a débuté le 16 février à Beaubourg, conjointement à la Bourse de Commerce de M. Pinault, vient de franchir un seuil. Public et privé se coordonnent pour exposer en même temps la même chose (vive la diversité !) et faire catalogue commun : en vedette un sculpteur américain (« faussement figuratif » dit-on) dont la qualité première semble surtout d’être la fois « méconnu mais très coté ». Charles Ray ne figure dans aucune collection publique française, trop cher : la moindre de ses œuvres couterait à Beaubourg plus que son budget d’acquisition annuel ! Mais François Pinault détient 22 œuvres et s’est fait un plaisir (comme toujours) de prêter à l’Etat. La dissymétrie de cette collaboration est telle qu’il devient voyant qu’en AC le privé murmure à l’oreille de l’Etat qui ce dernier doit couronner ! Ceux qui pariaient pour une complémentarité public/privé sont marris : pour être consacré à Paris mieux vaut être déjà riche et célèbre (surtout en Amérique). Bien sûr les bonnes âmes protestent : mais non, cette surexposition n’est pas une tentative de faire monter la cote puisque Ray est déjà tellement cher, enfin voyons ! Sauf qu’il s’agit d’Art financier spéculatif où la cote doit sans cesse être entretenue… au risque de s’effondrer. Dans un monde contemporain cornaqué par les cabinets de conseils, rien d’étonnant à ce que l’AC repose avant tout sur la « com ». Quand Emma Lavigne directrice de la Pinault collection déclare « nous sommes un lieu privé qui fait du service public », le citoyen est en droit de se demander si ce n’est pas l’inverse : les lieux publics, payés par le contribuable, faisant le service après-vente du privé. D’autant que la dame affirme fièrement : la Bourse du commerce et le centre Pompidou ont dépensé le même budget ! Cette directrice était, il y a peu, à la tête du Palais de Tokyo, centre d’art public : le contribuable paye donc des fonctionnaires qui vont mettre leur expertise au service du privé. De quoi se demander si, comme pour McKinsey (3), il est juste de payer deux fois. Beaubourg, qui va disparaitre pour trois ans de travaux, anticipe-t-il ici une future subordination ? La Fondation Vuitton était déjà en embuscade au bois de Boulogne mais quand la Fondation Cartier aura fini de s’installer dans l’ancien Louvre des Antiquaires, pour sûr, le centre Pompidou sera cerné !
Christine Sourgins
- (1) McKinsey a, entre autres, la charge de la communication du Pape François …
- (2) cf l’article de R. Azimi dans Le Monde / 16 fev 2022.
- (3) Un exemple : pour piloter la réforme des APL qui priva d’aides des dizaines de milliers de personnes, McKinsey a touché près de 4 millions d’euros …cette somme échappant à l’impôt..