Koons est-il en difficulté à Paris ? Pas de problème, l’Art contemporain américain va redorer son blason avec une expo Warhol… au Vatican ! Oui, le sulfureux Andy avec ses barils Brillo, ses Marilyn sexy, ses Mao glamour… au Paradis. Le musée Andy Warhol de Pittsburgh en Pennsylvanie prépare pour 2019 une grande exposition sur « le versant spirituel de son œuvre » qui voyagera à Rome, occupant les 1 000 m2 de l’aile Charlemagne, place Saint-Pierre.
On savait Andy prophète de l’Art financier avec des aphorismes dont les prédictions se sont réalisées : « tous les musées vont devenir de grands magasins et tous les grands magasins vont devenir des musées ». C’est sûr Andy avait compris que le cœur de la foi catholique est la transsubstantiation, autrement dit une transformation substantielle. Et que seul le Pape du Pop pouvait révéler le côté pop du Pape : Andy n’avait-il pas rencontré le pape Jean Paul II en 1980 ? Cette exposition devrait comprendre des œuvres inspirées de La Cène de Léonard de Vinci, des sérigraphies de Crânes, des films et des archives…. Y verra-t-on les « Guns, Knives and Crosses » (Armes à feux, couteaux et croix) exposées en 1982 à Madrid ? Mystère.
La canonisation du brave Andy est donc en route, on nous explique qu’il est né dans une famille pieuse d’immigrés slovaques uniates, qu’il a toujours conservé le livre de prière de sa mère, que ses iconiques Marylin ou Jacky témoignent d’un culte des images issu de sa tradition catholique orientale, qu’il allait à la messe en cachette et même s’occupait de nécessiteux. Cette ferveur ne fut révélée qu’en 1987, un mois après sa mort, lors d’une messe d’hommage à New York. Le journal de l’artiste confirma ce catholicisme caché qui, visiblement, impressionne Barbara Jatta, la directrice des musées du Vatican : « Explorer le côté spirituel de l’artiste nous intéresse beaucoup. Il est très, très important pour nous d’avoir un dialogue avec l’art contemporain. Nous vivons dans un monde d’images, et l’Église doit faire partie de cette conversation. »
C’était prévisible. Depuis longtemps Warhol fait des miracles : ainsi ses simples « 200 billets de 1 dollar » œuvre 1962, se sont, en 2009, transsubstantiés chez Sotheby’s, en 43,7 million de dollars ! C’est sûr Warhol sanctifie les espèces…
Fin stratège, l’AC a compris que Koons est en difficulté (en partie) pour avoir dit aux parisiens « payez pour nous » mais qu’il suffirait de dire « Andy, priez pour nous » pour que Warhol devienne intouchable et avec lui tout le système d’Art financier qu’il en est venu à incarner.
A Paris, la Fondation EDF accroche un Rembrandt plus vrai que vrai (1). On nous explique que cette gloire de l’art européen n’est pas inimitable puisque, à l’image des sérigraphies d’Andy, on peut maintenant dupliquer le maître hollandais à loisirs en imitant sa facture à s’y tromper. Rembrandt s’est transsubstantié en algorithmes et, par la grâce des imprimantes high-tech, fut inventé le Rembrandt qu’aurait dû peindre le maître, si la mort ne l’avait pas fauché. D’où son titre « The Next Rembrandt ». Continuer l’œuvre de Rembrandt sans Rembrandt, n’est-ce pas adorer le veau d’or de la technique ? Tiens, un sujet pour le Vatican …
Dans quelques années imaginez, Next Rembrandt N°3000 : un tableau sombre qui montre, luisant faiblement dans la pénombre, quelques boîtes remisées, en s’approchant le spectateur incrédule déchiffrera sur celles-ci « Soup Campbell’s ». Le cartel expliquera que si Rembrandt avait pu vivre jusqu’au XXème siècle… il eut été Warhol !
Christine Sourgins
En attendant les salons historiques du Grand Palais, qui voient leur durée d’ouverture se réduire au fil des ans, se tiendront du 14 au 18 février 2018. Bonnes vacances !
(1) « La belle vie numérique » jusqu’au 18 mars, 6 rue Récamier Paris 7ème.