L’Université et l’Art contemporain

11 août 2014

Le 5 et 6 mars 2004, à la cité internationale universitaire s’est tenu un colloque sur « l’art domestique ». L’inscription, gratuite, ou l’accueil, sympathique, inspirent confiance ; et pourtant, cet événement va se révéler exemplaire non seulement du contenu de l’Art dit contemporain (1) mais aussi des collusions que cet art entretient avec les institutions universitaires.

    Le colloque bénéficie d’une caution universitaire en règle : il est organisé par le centre d’études et de recherches en arts plastiques (Cerap) qui émane de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, auquel s’est joint l’Ecole doctorale d’Arts plastiques, Esthétique et Sciences de l’Art. L’inspirateur et organisateur du colloque, Richard Conte, est agrégé et docteur habilité en arts plastiques ; professeur des universités à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; directeur du Cerap et d’une revue d’art, « Plastik ».

 L’art d’être juge et partie

    Quest-ce qui justifie la tenue de ce colloque ? « En visitant les ateliers, les expositions, en lisant les publications sur l’art, les chercheurs du cerap ont remarqué une permanence de travaux et d’actions relatifs au champ du domestique ». Jusqu’ici tout va bien : un phénomène artistique émerge, des chercheurs s’interrogent à son sujet. La suite est plus problématique, car la réflexion préparatoire au colloque prend la forme d’une série d’expositions, à la cité internationale elle-même, à la galerie Jean-Luc et Takako Richard, à la galerie Nicole Ferry, à l’Espace Trafic ; chaque exposition est thématique et formule « une question à laquelle les artistes ont été invités à répondre par la production d’une oeuvre ». Etrange objectivité d’une recherche qui oriente, commandite, et même créer son propre objet d’étude… Etranges chercheurs également, car certains universitaires au titre ronflant ne sont autres que des artistes d’art très contemporain, nichés au sein de l’alma mater qu’est l’Université. Ainsi l’organisateur du colloque, Richard Conte, est, on l’a dit, agrégé, docteur etc. mais il est aussi un artiste lancé, comme par hasard, dans le créneau de l’Art domestique ; il s’octroiera, en toute humilité, une communication sur son propre travail… Tout comme Sandrine Morsillo, artiste, mais aussi maître de conférences à l’IUFM de Paris et commissaire d’exposition, viendra rendre compte des expositions d’art domestique dont elle est l’organisatrice… Etranges partenaires : la galerie Nicole Ferry, impliquée dans cette opération, est, par exemple, une galerie où Richard Conte expose régulièrement… Voilà qui donne à penser que tout ce petit monde est à la fois juge et partie.

 L’art domestique en gloire

     Qu’est-ce donc que cet « art domestique » auquel ce colloque s’efforce de contribuer ? Un art destiné à la sphère familiale, ou un art qui y prend ses sujets ? Ou encore, qui emprunte des formes et des techniques présentes dans l’univers domestique (comme le bricolage ou le tricot) ? Ou enfin, un art qui établit des relations entre les personnes de la famille ? La pratique de la peinture en amateur pourrait alors en faire partie… Le colloque va surtout s’attacher à montrer l’extension du terme. Un artiste relève de l’« art domestique », si, par exemple, il fait du tricotin en discutant avec les visiteurs de l’exposition ; et puisque le tricotin permet de tisser des liens intimes, l’art domestique rejoint une des grandes catégorie de l’Art contemporain, l’esthétique relationnelle. Mais la Porsche « customisée » (peinte selon les couleurs d’Itten, un théoricien de la couleur) et censée devenir blanche à grande vitesse, c’est aussi, nous dit-on, de l’art domestique, puisque la voiture est une extension de la maison. Quand un artiste propose des tricycles à tête hybride à des familles d’accueil, afin d’adopter pour quelques jours ses engins (tel un enfant jouant avec des peluches), c’est toujours de l’art domestique. Des démarches de ce type sont facilement qualifiées par le jargon universitaire de « fictions fantasmées pour perturber les habitus ». L’art domestique peut aussi organiser des performances gastronomiques ou, plus crûment, « des aventures sexuelles domestiques à devenir public » sic, autrement dit, ce qu’un profane désignerait comme de l’exhibitionnisme ou du voyeurisme. Toute une communication a été consacrée au strip-tease domestique diffusé sur Internet : était-ce, au non, de l’art domestique ? Cette grave question peut être simplement tranchée. Sachez que, le sexe en ligne, lorsqu’il est pratiqué par des amateurs ou des consommateurs, n’est pas de l’art mais de la vulgaire pornographie ; en revanche, si ces mêmes images, sont détournées ou simplement reprises par des artistes officiellement reconnus, alors elles deviennent de l’art, potentiellement domestique.

    Les femmes ayant longtemps été cantonnées dans la sphère domestique, l’art du même nom sera volontiers un art féministe, dénonçant l’oppression dont la femme est victime. L’affiche du colloque montrait une japonaise parodiant un ouvrage pour jeunes nippones des années 50, expliquant comment recevoir son mari, faire un bon dîner, s’occuper des enfants : tout cela étant accompli par l’artiste avec un poupon de Celluloïd, sur « un mode où le mimétisme et l’ironie vont de pair ».

    Mais si l’art domestique doit s’entendre dans une acception la plus large, il ne doit surtout pas être confondu avec les arts ménagers. Il importe donc de montrer qu’il s’insère dans une filiation artistique. La mise à contribution de l’histoire de l’art vient alors verrouiller l’opération « art domestique ». Car les peintures de vanité flamandes, les natures mortes de Chardin ne sont-elles pas déjà de l’art domestique qui s’ignore ? Et les souliers peints par Van Gogh, les bouteilles de Morandi et l’incontournable ready-made de Duchamp ? Euréka : c’est de l’art domestique ! Le tour est joué dès lors que Chardin ou Van Gogh sont enrôlés dans la justification des émules de Duchamp et de l’art conceptuel : l’art domestique c’est bien de l’art, et du meilleur, nous laisse-t-on entendre.

    Dès lors la peinture de chevalet n’est acceptable que réduite au concept d’art domestique : ainsi Olivier Liegent réalise un mobilier en agençant des châssis et des toiles peintes pour créer des tables ou des chaises. L’oeuvre contemporaine joue alors de la destruction de l’aura de l’objet d’art en le ravalant au rang d’objet utilitaire. C’est Duchamp lu à l’envers (qui d’une pissotière, objet utilitaire, faisait une oeuvre d’art), peu importe ; dans l’art domestique comme dans le reste de l’art dit contemporain, ne mérite le nom d’artiste que celui qui est capable de jongler avec ce genre de petit jeu conceptuel.

 Du sociologue au scatologue

     L’élasticité du concept d’art domestique autorise le mélange des genres : le colloque passe allègrement d’une communication sur « L’habiter de l’architecture comme expérience esthétique du chez soi » à « Le décor de Noël, ou l’art de domestiquer les « traditions » ». Beaucoup moins plaisante, est la confusion entre des intervenants qui ne poursuivent pas le même but mais se retrouvent (volontairement ou non) enrôlés dans la défense et l’illustration des valeurs de cet art dit contemporain. Ainsi des sociologues (comme Nathalie Heinich), des philosophes, des architectes, viennent exposer leurs travaux et leurs thèses, bref font leur travail d’universitaires ou de chercheurs ; mais au milieu de ce beau monde, se glissent des personnages qui utilisent pour se légitimer la présence de ces personnalités et le prestige des disciplines qu’elles illustrent. Au final, l’ensemble de l’opération parvient à justifier des propositions artistiques plutôt hallucinantes. Qu’on en juge …

    On suit tout d’abord l’intéressante communication de Dominique Noguez. L’écrivain, prix Fémina, normalien, universitaire et critique, planche sur les relations entre littérature et sphère domestique, depuis la lessive de Nausicaa dans l’Odyssée jusqu’au livre posthume de Duras, « La cuisine de Marguerite », en passant par Virgile, Martial, Huysmans (auteur d’ « En ménage ») et les « Mythologies » de Barthes, etc. Communication nourrie de citations qui ne manquaient ni de sel ni d’humour, de remarques judicieuses, comme celle qui oppose la figure de l’écrivain « sauvage », romantique, à celle de l’écrivain « domestiqué », l’académicien comblé d’honneurs. Dominique Noguez montra que l’orgueil n’est pas forcément du côté de l’académicien, car celui-ci doute de sa force individuelle pour s’en remettre à une collectivité ; il est donc plus humble que celui qui reste ombrageusement solitaire : « la prétention de Debord est plus forte que celle de Cocteau » et, paradoxalement, celui qui a le mieux décrit l’écrivain rebelle qu’était Cyrano, est l’académicien Rostand… Dominique Noguez note (sans l’expliciter ) une convergence entre une certaine littérature contemporaine et les pratiques d’un milieu artistique particulier, à savoir : un goût pour l’exposition la plus crue de la vie quotidienne, avec des révélations qui confinent à l’indécence (en donnant même des noms propres), avec une volonté de donner « du vrai, même sordide, là où on attendrait du vraisemblable »…

    Or, juste après Dominique Noguez arrive un jeune homme branché, porteur d’un chignon et d’une communication d’une toute autre trempe, intitulée « Scatologis ». Logis avec un « s », comme le logis domestique, car un colloque universitaire, digne de ce nom, se déshonorerait s’il omettait de mentionner cet art qui se rapporte aux cabinets d’aisance, lieu et activité on ne peut plus domestiques. Antoni Collot, jeune chercheur, nous présente donc un grand maître, Jacques Lizène, pourvoyeur d’un grand oeuvre « fait à la maison » sic, à replaçer dans le contexte du monde moderne, atteint, comme chacun sait, d’un « manque à regarder » envers ce qui relève de l’excrétion, effet malencontreux de l’hygiénisation de la vie quotidienne. D’où, nous fut-il expliqué, la nécessité, la validité de la démarche de Lizène qui décide ne plus peindre qu’avec une matière, celle désignée par le mot de Cambronne. Ce sont des peintures monochromes, ennuyeuses, mais qui le revendiquent, « l’ennui étant le propre de ce qui est emmerdant » sic . Lizène se proclame « artiste de la médiocrité volontaire » sic, il se veut « exemplaire d’une position d’antihéros de l’art moderne ». La communication dura vingt minutes, rien ne nous fut épargné des tribulations de Lizène, « devenu son propre tube de peinture », surveillant son alimentation pour veiller à la cohérence des couleurs, etc.

   Antoni Collot lisait son texte, fort bien rédigé selon les canons de la rhétorique savante : clarté du propos, distanciation par rapport à l’objet étudié, expressions allusives à des disciplines prestigieuses (sociologie, philosophie etc.), quelques traits d’esprit… Bref, un discours universitaire parfaitement assimilé et mis au service de cet art dit contemporain, lui donnant du sérieux et du crédit : il fut écouté dans le plus grand silence, avant d’être applaudi. Cet art contemporain qui est profondément un hybris, un excès, une démesure, réussit donc à détourner le langage de la mesure à son profit.

    Il est capital de comprendre que nous sommes au-delà de la plaisanterie de potache ou de la provocation : dans ce genre de colloque, où l’on est censé être entre soi, l’idéologie est exposée noir sur blanc. Il s’agit bien de défendre un « art dégoûtant », dégoûter signifiant enlever le goût, il s’agit rien moins que de « purger le monde de la pensée critique ». Ce qui revient à une sorte de lobotomisation du cerveau des spectateurs mais ne gêne en rien un Lizène, faisant pratiquer sur lui-même une vasectomie, car étant favorable « à l’extinction de l’humanité » sic. C’est dire si l’anti-humanisme féroce de ce genre d’art relève vraiment, ainsi que Jean Clair l’a montré, d’une idéologie brune.

    Jean Clair a consacré son dernier livre, De Immundo (2), à cet art de l’abject, allant de la scatologie à l’automutilation en passant par des actes plus aberrants les uns que les autres. L’immonde est en effet devenu, à l’insu du grand public, une catégorie privilégiée de l’Art contemporain. Un des mérites de ce livre est de démontrer les conivences qu’entretiennent ces « pensées brunes » qu’elles se réfèrent au nazisme ou à l’Art contemporain (en particulier le lien entre scatologie et univers concentrationnaire). Après la communication d’Antoni Collot, lors de l’échange de remarques et de questions avec la salle, l’apport de Jean Clair est souligné mais son livre est immédiatement disqualifié « d’ouvrage par ailleurs réactionnaire ». (Faut-il en conclure que la vérité est réactionnaire ?)

    Antoni Collot est agrégé et doctorant en arts : il rédige une thèse intitulée « Entre concessions et censures : l’art à l’épreuve des moeurs ». Mais, on s’en doutait, c’est aussi un artiste qui a rencontré Lizène chez un collectionneur où ils ont exposé tous les deux ; puis le jeune Collot a consacré un mémoire de DEA à Lizène… A partir du moment où un artiste se voue à ce pigment brun et où, dans les temps obscurantistes qui sont nôtres, les amateurs éclairés de ce genre artistique sont encore rares, ce type d’artistes et leur thuriféraires ne peuvent espérer survivre qu’accrochés aux basques de l’Etat, car ce dernier dispose de moyens et d’institutions qui les prennent en charge.

 La pétanque comme projet artistique

     On s’en voudrait de passer sous silence la communication de l’organisateur du colloque, Richard Conte : « Boulisme, la pétanque comme projet artistique ». « C’est en tant qu’artiste, que depuis plusieurs mois, je pratique assidûment la pétanque. Et ceci dans le but d’élaborer une oeuvre collective… » Plus loin il ajoute : « la pétanque est un jeu que nous qualifierons de « domestique » et qui cependant se pratique dehors… En quoi cette oeuvre en train de se faire autour de ce jeu, participerait-elle d’un « art domestique » dont nous cherchons les contours toujours fuyants ? ». Sur une communication d’une demi-heure, vingt sont consacrées à l’historique du jeu de boule, depuis ses origines plus ou moins légendaires à La Ciotat, vers 1910, jusqu’aux règles d’un jeu qui, paraît-il, va devenir sport olympique. On note une approche sociologico-linguistique : Richard Conte collectionne les expressions qui désigne le cochonnet (bartoumieux, belin, boutchonne, buis, cochon, innocent, ministre…etc.), analyse les surnoms des joueurs et la manière dont ils commentent les coups. Bref, nous saurons tout sur les boules, Richard Conte suggérant leur dimension virile sous-jacente, nous confiant combien  le centre de la boule a quelque chose de mystérieux, de vide, d’obscur, comment la boule se charge d’un concentré d’énergie, sans oublier que la sphère a servi à définir Dieu. Là, se ressent l’infinie distance qui sépare le bouliste de St Brévin-les-Pins et celui de Paris I : d’emblée l’universitaire parvient à la mystique.

    Plus sérieusement, présentons les trois projets artistiques qui en découlent (« projets non réalisés mais qui ont une existence verbale » sic). Premièrement, le cochonnet ressemblant à un soleil entouré de planètes, l’artiste s’est avisé de la métaphore stellaire des boules (que n’importe quel bon livre sur le symbolisme des jeux mentionne). Richard Conte propose donc de représenter, sur un immense rouleau de papier, les constellations et de leur attribuer, à chacune, un des noms du cochonnet qu’il collectionne.

    Deuxième proposition, l’artiste ayant longtemps peint des tondi, des toiles rondes, il envisage de prendre trois tondi recouverts d’une couleur métallique, de les poser à plat, et de suspendre au dessus une vraie boule de pétanque à l’aide du ramasseur magnétique qui évite au joueur de se baisser. Nous sommes ici dans la catégorie de l’installation, chère à l’Art contemporain.

    La dernière proposition relève d’un autre genre : l’art d’attitude. Réunir la centaine de joueur de sa ville et réaliser, avec leurs instruments de jeu, un grand tapis de boules qui devront toutes se toucher. Le plus dur étant de convaincre les joueurs d’abandonner, même temporairement, leurs précieuses boules (d’où une offre alléchante : leur faire tirer le portrait, par le photographe de la ville…) L’enjeu de cette proposition artistique n’est-elle pas une forme de manipulation ? Les joueurs accepteront-ils d’être aussi mobiles, dociles, que leurs instruments de jeux ? Bref, peut-on les « rouler » ?

    La densité intellectuelle, esthétique et humaine de ces trois propositions incite à s’intéresser à l’oeuvre antérieure de Richard Conte, à ces fameux tondi. Dans le catalogue (3) d’une exposition réalisée à la galerie Art et Essai de l’Université Rennes 2, on découvre une peinture abstraite, pas désagréable mais banale ; plus que l’oeuvre peinte c’est le ton du texte qui pique l’attention. L’oeuvre de Richard Conte y est décrite comme « tellurique autant que cosmique », il y est même précisé sans rire : « c’est lui, monsieur Conte qui a tout inventé : il a le front cyclonique ». Bigre, Dieu existe, il se fait appeler Richard Conte et il officie à l’université de Paris I.

 Mais tout cela, loin d’être seulement risible, est infiniment nuisible.

 L’éradication de l’art

     Le courant artistique issu de Duchamp et du mouvement Dada, parce qu’il repose sur le « concept », se prête à une intellectualité qui séduit les lettrés, universitaires ou non, flatte leur intellectualisme latent. Les artistes d’art très contemporain ont donc facilement colonisé le milieu intellectuel et ses institutions. Ils accèdent ainsi à des rentes mais aussi à tout un système de promotion (publication, circuit d’exposition, accès à l’archivage..) qui leur garantie une notoriété, capitale dans un monde de l’art où le « registre réputationel » est essentiel. Un artiste-universitaire peut même espérer intéresser aussi une galerie et obtenir une fenêtre sur le circuit commercial. Mais surtout il détient une tribune d’où il peut enseigner une idéologie artistique, (voire politique et sociale) qu’on peut résumer par : « être cultivé, c’est apprécier la transgression »… Car l’Art contemporain est l’art de mouvoir la transgression de l’intellectuel à l’institutionnel, avec, au passage, quelques dégâts collatéraux sur la société.

   Au bout de plusieurs décennies ont été évincé les artistes non-duchampiens, gens « de l’oeil et de la main » qui ne maîtrisent pas le jargon et les acrobaties conceptuelles. Ceux-là ne pensent pas forcément que l’art soit seulement une continuation de la guerre (sociale) par d’autres moyens : trop bohèmes, trop spirituels, ils n’ont pas formé de réseaux propres à investir les institutions ou les médias. Ceux-là, artistes au sens premier du mot, ont donc perdu la presse, les institutions culturelles et même, depuis une dizaine d’années, leur statut d’artiste. Car la collusion des héritiers de Duchamp et du milieu intellectuel les délégitime en proclamant qu’aujourd’hui peindre au chevalet ou sculpter la glaise sont, au mieux, des activités d’amateurs ou d’artisan et, au pire, des pratiques réactionnaires. Certains croient se rassurer à l’idée que dans une démocratie ne compterait que le grand public, qui est loin de ratifier les choix de son élite. Mais le grand public n’a pas vocation à être prescripteur ou collectionneur : il n’a pas les moyens intellectuels ou financiers, de remédier à ce qui s’avère être une nécrose de l’art, de l’art entendu dans son acception première, millénaire et humaniste.


Christine Sourgins

Article paru dans la revue « Conflits actuels N°17 » 2006 – 1

page 87 à 94.   www.conflits-actuels.com

 

(1) Le terme « Art contemporain », employé dans cet article, ne signifie pas « l’art de nos contemporains » mais uniquement la partie officielle de l’art d’aujourd’hui. Cette appellation ne peut être confondue avec « art moderne » ou « art abstrait » qui recouvrent des réalités différentes. Essentiellement conceptuel, l’Art contemporain est moins une esthétique qu’une idéologie fondée sur la rupture permanente. Duchamp en donna le coup d’envoi en 1917 à New-York : il détourne un urinoir pour le placer au rang d’un objet d’art en le baptisant « fontaine ».

(2) Jean Clair, De Immundo, Galilée, 2004.

(3) Richard Conte, Peintures 1990-1992, Galerie Art et Essai de l’Université Rennes 2, 1992. Catalogue réalisé avec le concours du Ministère de l’Education Nationale et de la Culture, de la DRAC-Bretagne, du service culturel de l’Université Rennes 2, de la Galerie Pascal Weider, Marly-le-Roi/Paris.