Le Centre Pompidou présente, du 26 novembre 2014 au 27 avril 2015, la première rétrospective majeure consacrée, en Europe, à l’américain Jeff Koons. On y verra ses oeuvres les plus connues, de 1979 à nos jours, « les « icônes » les plus célèbres de l’art de notre temps, notamment Rabbit, Michael Jackson and Bubbles, Balloon Dog et la série d’aquariums Equilibrium » dixit le centre Pompidou qui conclut : « depuis 35 ans, il explore de nouvelles approches du « readymade » et de l’appropriation, jouant de la lisière entre culture des élites et culture de masse, poussant les limites de la fabrication industrielle et changeant le rapport des artistes au culte de la célébrité comme aux règles du marché ». Bien sûr, il faut lire et rétablir : il engrange les dividendes du ready-made et de l’appropriation, érige la culture de masse en culture élitiste, il a monté sa PME qu’il fait passer, prestige oblige, pour un atelier à la Rubens (!), il est artiste d’abord pour son habileté à défrayer la chronique, il est passé d’un marché de l’art à un art de marché…
A cette occasion, Expo in the City organise le 29 novembre à 15h un immense lâcher de « chiens culturels »sic dans le quartier du Marais, des balloons dogs qui n’attendent que d’être adoptés. « Attachés à des piquets, aux entrées des parcs, perdus dans les ruelles, aventurés dans le métro, attendant devant une porte, couchés au pied d’un banc, ils sont partout ! Chaque chien portera à son cou un collier et un code de tatouage permettant de découvrir son cadeau ». Et quels cadeaux : des centaines de places pour aller voir l’expo Koons, « des funny dogs Conforama pour décorer chez soi », des diners au restaurant Le George, des parfums Balmain… Et un raton laveur ? Non, des places pour le spectacle Mistinguett. Jeff Koons, mistinguett de l’Art contemporain ? Ce serait désobligeant pour la meneuse de revue mais il est vrai que son nom en est venu à désigner une jeune femme soucieuse de son apparence…or Koons, n’est-il pas avant tout soucieux de son apparence ?
Ce lâcher de ballons frénétique, aussi infantile que consumériste, est à comparer avec celui qui eut lieu le mois dernier pour célébrer la chute du mur de Berlin ; sobrement, un à un, des ballons lumineux s’élevèrent dans le ciel berlinois. Cette retenue dans le spectaculaire laisse songeur : les nazis, eux, sous l’Occupation, s’empressèrent de rouvrir cabarets et spectacles parisiens, ils entendaient réduire le rayonnement de la culture française aux strass et paillettes, faire de la France le Luna Park de l’Europe. Or qui a réussi cette disneylandisation de la culture européenne ? La réponse s’affiche, sourire étincelant, à Beaubourg : certes, le phénomène a commencé avant Koons mais il l’incarne jusqu’à la caricature. Car, après le supplément du Monde qui lui a consacré sa une, c’est le tour du Figaro de ce jour , tandis que le BHV a installé une reproduction géante de l’oeuvre Popeye sur sa façade etc. Pour ceux qui n’auraient pas bien compris, Jeff Koons, le 30 octobre, fut invité au Collège de France à un colloque organisé par la philosophe Claudine Tiercelin : « La fabrique de la Peinture ». Jeff Koons, le premier à intervenir, expliqua que, puisque ses productions étaient colorées, il était peintre. Chacun sait qu’il ne manie pas le pinceau, pratiquant la célèbre « mise à distance du geste du peintre », « il fait de la peinture sans y toucher, c’est une forme particulière de peinture » comme l’a précisé un autre participant, un vrai peintre lui, qui fait son travail lui-même, ce qui jusqu’ici était du dernier ringard : pour réentendre parler Peinture et même technique, avec force détails pratiques, il avait fallu avaler le boa constrictor Koons…
Et pour ceux qui n’auraient vraiment, mais vraiment pas compris : Koons, après Versailles, Beaubourg et le Collège de France devrait envahir le Louvre début 2015 !
Christine Sourgins
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